Sévère et rigoureuse, l’esthétique néoclassique a incarné la modernité dans l’Europe de la fin du XVIIIe siècle. Mouvement européen, le néoclassicisme est représenté en France par le peintre Jacques-Louis David. Prenant le contre-pied du style rococo, les néoclassiques prônent le retour à la rigueur morale, à la raison, au stoïcisme, en prenant appui sur le modèle de l’Antiquité gréco-romaine. Les peintres puisent leur inspiration théorique dans les écrits de Johann Joachim Winckelmann, historien de l’art allemand qui prône le culte de l’art grec classique.
Histoire du mouvement
Le néoclassicisme est traditionnellement considéré comme le mouvement qui inaugure le XIXe siècle, mais il prend ses racines dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Même s’il apparaît rapidement en Allemagne avec Raphaël Mengs, c’est en France qu’il a le plus d’importance. À partir de 1745, s’opère une réaction contre le rococo. Peintres et théoriciens se détournent du goût rocaille (incarné notamment par François Boucher) qui se caractérise par la profusion ornementale, le goût pour l’illusionnisme, les thèmes légers, l’abus d’une mythologie païenne et débridée.
La modernité du néoclassicisme repose sur la redécouverte de l’Antiquité classique. C’est une réaction générale des arts et des lettres après le règne de Louis XV assimilé à une période de décadence morale. Certes, l’Antiquité était déjà une source importante pour les artistes, mais cette référence prend une ampleur nouvelle, stimulée par les découvertes archéologiques de la fin du XVIIIe siècle. Est toutefois seulement glorifiée la période de l’art grec classique, l’Athènes vertueuse de Praxitèle et de Périclès.
La peinture d’histoire, le genre le plus noble qu’un peintre puisse pratiquer, nécessitait d’être rénovée : exit les personnages frivoles, les scènes secondaires ! Les néoclassiques veulent redonner la première place aux héros et aux grands hommes porteurs d’idéaux moraux et de vertus. Ils puisent leur inspiration chez les grands écrivains de l’Antiquité, Homère et Horace notamment. Leur technique est plus lisse, ne laissant pas visibles les traces de brosses sur la toile. Les compositions sont claires, très lisibles, et les actions placées dans des contextes architecturaux inspirés de l’antique. La perspective frontale est privilégiée, les artifices comme le trompe-l’œil sont exclus.
Le théoricien allemand Johann Joachim Winckelmann (1717–1768), dont David était un grand lecteur, a joué un rôle important dans la constitution du néoclassicisme français. Dans plusieurs ouvrages traduits à la fin du XVIIIe siècle, il prône l’imitation des œuvres grecques dans la sculpture et la peinture et défend la doctrine du beau académique, c’est-à-dire basé sur le canon classique. Les artistes modernes doivent idéaliser le corps masculin et le traduire dans sa forme héroïque. Ainsi, cette théorie associe le beau et le bien, faisant entrer la morale dans l’art.
Le néoclassicisme coïncide en France avec l’affirmation des idées des Lumières, incarnées par des philosophes tels que Voltaire, Montesquieu, Jean-Jacques Rousseau, Denis Diderot. Il est en phase avec les idéaux politiques défendus par les révolutionnaires (avant le désastre de la Terreur) : la recherche d’un monde meilleur gouverné par les lois immuables de la raison et de l’équité.
Le néoclassicisme demeure le courant dominant jusqu’à l’installation de Napoléon Bonaparte au pouvoir. Il s’éteint à partir de 1825, période de l’émergence du romantisme. En France, les noms qui lui sont associés sont, pour n’en citer que quelques-uns, Jacques-Louis David, Jean-Germain Drouais, François Gérard, Anne-Louis Girodet, Pierre-Narcisse Guérin, Jean-Auguste-Dominique Ingres. La sculpture néoclassique est plus internationale : l’Italien Antonio Canova, le Britannique John Flaxman ou le Français François Chinard. Le mouvement s’incarne également dans une architecture grandiloquente et austère inspirée de la Grèce antique.À lire aussi : La « secte des Barbus » : des rebelles à l’atelier de David
Des œuvres clés
Jacques-Louis David, Le Serment des Horaces, 1785
Exposé avec succès par David au Salon de 1785, ce tableau d’histoire est le manifeste d’un nouveau style dans l’art français. Il représente un épisode vertueux pris dans l’histoire légendaire de la Rome antique, celui du serment de trois frères devant leur père, prêts à défendre leur patrie jusqu’à la mort. La composition est caractérisée par sa grande symétrie, le retour à une rigueur classique. Le point de fuite est focalisé sur les épées, symbole du serment et donc de la fidélité.
Pierre-Narcisse Guérin, Le Retour de Marcus Sextus, 1799
Tableau phare du Salon de 1799, l’œuvre de Guérin représente un aristocrate romain de retour au foyer après avoir été victime des proscriptions de Scylla. Il devient le symbole des émigrés français qui ont retrouvé leurs biens pillés après la Révolution. L’œuvre est composée selon des principes géométriques simples : Marcus Sextus se tient verticalement, par opposition avec la posture horizontale de sa femme défunte. Le Retour de Marcus Sextus a pris une résonance politique après les années de Terreur, alors que les Français devaient engager la réconciliation nationale.
Antonio Canova, Vénus Victrix, 1808
Ce marbre d’une pureté classique est une représentation idéalisée de Pauline Borghèse, la sœur de Napoléon. Canova, sculpteur italien, s’inspire de modèles emblématiques de l’art grec, en particulier l’Ariane endormie du Vatican ou l’Hermaphrodite endormi. La jeune femme est représentée sous les traits de Vénus victorieuse lors du Jugement de Pâris. Canova s’est aussi illustré dans les nudités héroïques et des œuvres commémoratives monumentales.